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Jean-Pierre Poussou Le lotissement des terrains de l’archevêché de Bordeaux et la naissance du quartier Mériadeck Revue CXIV année 2023

Jean-Pierre Poussou

Le lotissement des terrains de l’archevêché de Bordeaux et la naissance du quartier Mériadeck

Dans la multiplication des constructions nouvelles à Bordeaux à la fin du XVIIIe siècle, le quartier Mériadeck occupe une place importante. Il est issu du lotissement des terrains dits de l’archevêché. Monseigneur de Rohan, nommé à Bordeaux en 1771, obtint dès cette année l’autorisation de les vendre pour financer la construction d’un nouveau palais archiépiscopal. C’était un ensemble considérable : à peu près un millier de lots dont ont été retrouvées 556 ventes entre 1772 et l’an VIII. Le rythme des ventes et leurs montants varièrent beaucoup en fonction de la conjoncture économique. L’année 1784 fut exceptionnelle grâce à la paix. Au contraire, à partir de 1789 ce fut le marasme. La grande majorité des acheteurs appartenait aux classes moyennes : marchands et artisans. L’emplacement moyen valait entre 2500 et 3000 livres, pour une superficie de 25 à 35 toises. L’entreprise fut lancée par de très gros achats de membresde l’élite sociale, dont plusieurs parlementaires. Il y eut un réel mélange social près de la ville murée ; au contraire, vers la chartreuse, les acquéreurs appartenaient essentiellement à des milieux populaires. 

Malgré les aléas et les difficultés, notamment  la viabilisation des terrains et le desséchement des parties marécageuses, l’entreprise réussit à financer la construction du nouveau palais archiépiscopal, bien que son coût ait prodigieusement augmenté par rapport aux estimations de départ. Mais monseigneur de Rohan voulait aussi tirer un bénéfice du lotissement et utilisa une société prête-nom ; en 1779 il vendit à son homme de confiance, Claude Alexandre Rodesse les terrains restants. Les résultats furent décevants : alors qu’autour de 1789, le palais étant achevé et payé, les frais du lotissement en grande partie réglés, les événements révolutionnaires ralentirent fortement puis stoppèrent l’entreprise, qui était en difficulté à la mort de Rodesse en 1801.

Du fait des démêlés judiciaires, liés en particulier à la mésentente entre les héritiers, il n’y eut plus de vente jusqu’à une grande adjudication des terrains restant en 1819. En conséquence, des travaux nécessaires n’eurent pas lieu. Au début des années 1820, le quartier était dans un état très médiocre et considéré comme un quartier de misère jusqu’aux années 1950, où Jacques Chaban-Delmas décida de le raser pour le reconstruire complétement.


  The subdivision of the lands of the Archbishopric of Bordeaux and the birth of the Mériadeck district

In the proliferation of new constructions in late 18th-century Bordeaux, the Mériadeck district holds a significant role. It stemmed from the subdivision of lands known as the Archbishopric estate. Appointed to Bordeaux in 1771, Monsignor de Rohan secured authorization that year to sell these lands to finance a new archiepiscopal palace. It was a considerable area of about a thousand lots, with records of 556 sales between 1772 and Year VIII.

The pace and price of sales varied a lot, depending on economic conditions. 1784 was an remarkable year, thanks to peacetime, while from 1789, economic stagnation set in. Most buyers came from the middle classes: merchants and artisans. The average lot sold for 2,500 to 3,000 livres, for an area of 25 to 35 toises. The enterprise was initially driven by large purchases from members of the social elite, including several parliamentarians. There was genuine social mixing near the walled city; in contrast, towards the Chartreuse area, the buyers mostly came from popular backgrounds.

Despite various challenges and difficulties, notably making the land viable and draining the marshy areas, the project succeeded in financing the construction of the new archiepiscopal palace, even though its cost had far exceeded initial estimates. Seeking personal profit from the subdivision, Monsignor de Rohan used a front company; in 1779, he sold the remaining lands to his trusted associate, Claude Alexandre Rodesse. The results were di sappointing: around 1789, although the palace was completed and paid for, and most subdivision costs covered, the revolutionary events severely slowed and eventually halted the project, which struggled after Rodesse’s death in 1801.

Due to legal disputes, particularly disagreements among heirs, no further sales occurred until a major auction of the remaining lands in 1819. As a result, necessary development work was not carried out. In the early 1820s, the district was in poor condition and regarded as a slum until the 1950s, when Jacques Chaban-Delmas decided to completely demolish and rebuild it.